Principalement composées de cellules levuriennes et bactériennes mortes, les lies présentent de multiples intérêts pour les vins. Leur autolyse libère des composés qui peuvent être bénéfiques à chaque étape de l'élaboration des vins.
- Amélioration de la turbidité suite à un collage de moût issu d'une vendange altérée (mildiou, oïdium, Botrytis...)
Certaines années, l'état sanitaire de la vendange impose un débourbage sévère, voire un collage afin d'éliminer les composés néfastes à l'origine de déviations aromatiques. Les moûts obtenus après sont alors très limpides et ne permettent pas une fermentation alcoolique optimale.
Les lies de "réserve" (lies saines du millésime précédent) peuvent alors être employées pour rehausser la turbidité et enrichir le moût en composés azotés.
- Apporter de l'azote organique, des facteurs de survie et détoxifier les moûts en fermentation.
Au cours de la fermentation alcoolique, l'azote assimilable est un facteur de survie des levures. Les lies, riches en composés azoté apportent les éléments nutritifs nécessaire au bon déroulé de la fermentation alcoolique.
De plus, il arrive certaines années que les fermentations alcooliques languissent. C'est en partie dû à la présence d'acides gras courts, inhibiteurs de levures. Ils agissent sur la perméabilité de la membrane et empêchent le fonctionnement des systèmes enzymatiques internes. Les sucres ne pénètrent plus dans la cellule levurienne et ne peuvent alors plus être métabolisés. L'ajout d'enveloppes cellulaires (écorces de levures contenues dans les lies) fixe les acides gras toxiques et lève cette inhibition. De plus, l'ajout de ces lies apporte de nouveaux acides gras longs et des stérols, permettant de renforcer les parois cellulaires des levures vivantes.
Les lies viennent donc supplémenter les moûts en fermentation en nutriments azotés, en facteurs de survie et décontaminent le milieu pour assurer des fermentations alcooliques franches.
- Apporter de l'azote et des fractions azotées spécifiques, nécessaires au développement et à la multiplication des bactéries lactiques.
Contrairement aux levures, les bactéries lactiques ne sont pas capables de produire de ressources azotées. En revanche, elles peuvent métaboliser les composés présents dans le milieu, notamment des acides aminés (arginine, cystéine, glutamate ...) et des petits peptides. Ces éléments, nécessaires au bon développement des populations d'Oenococcus oeni, peuvent être ajoutés au vin par des produits œnologiques développés à base de levures inactivées.
L'utilisation de lies fraiches de l'année précédente est une alternative à ces produits, apportant au vin les composés nutritifs indispensables à la multiplication des populations de bactéries lactiques et optimisant ainsi la cinétique de FML.
- Réaliser un collage suite à des problématiques d'oxydation, d'amertume, de réduction ou de faux goûts.
Lors de nos recherches appliquées en Bourgogne, nous avons expérimenté le rôle d'agent de collage des lies fraîches sur des vins présentant des défauts d'amertume, de réduction, d'oxydations, et autres faux gouts (notes végétales, moisi ...).
Par exemple, lors d'une importante réduction, les lies sont capables de fixer les composés indésirables responsables, tels que le méthanethiol et l'éthanethiol. Ajoutées au vin, les mannoprotéines contenues dans ces lies fines forment un complexe avec ces molécules soufrées, permettant leur neutralisation. De la même façon, elles peuvent traiter des vins présentant un "goût de moisi" en adsorbant les chlorophénols et chloroanisoles.
Les lies, de par leur pouvoir réducteur, peuvent également traiter des vins à caractère oxydatif.
Leur pouvoir adsorbant permet de fixer et d'éliminer une multitude de composés indésirables dans les vins, révélant à la dégustations des vins plus nets, plus propres.
- Créer une source d'amélioration gustative, notion de matière des vins blancs et créer un effet "tampon réducteur".
Pendant la fermentation alcoolique, la levure synthétise des acides aminés dont trois acides aminés soufrés : la cystéine, la glycine et le glutamate. Ensemble, ils forment un tri-peptide : le glutathion. Véritable bouclier vis à vis de l'oxygène, le glutathion est libéré par les lies au cours de l'élevage. Il joue alors le rôle de tampon réducteur et permet la protection des arômes du vin. En bouteille, il vient compléter le rôle protecteur de l'obturateur, du CO2 et du SO2. Les vins blancs dont la concentration en gluthation est élevée (plusieurs mg/L) et dont le pH est bas sont plus résistants au vieillissement en bouteille.
Les lies libèrent également de l'acide glutamique au cours de l'élevage (concentration triplée entre le début et la fin d'un élevage sur lies avec bâtonnage). Cet acide aminé joue le rôle d'exhausteur de goût. Les mannoprotéines, protéines issues de la paroi levurienne des lies en autolyse, interviennent quant à elles sur l'effet "matière" (sucrosité, onctuosité, volume). Elles ont également un rôle de colloïdes protecteurs, en inhibant la formation des cristaux d'hydrogénotartrate de potassium. Ainsi, un élevage sur lies prolongé, couplé à un enzymage, favorise la stabilisation tartrique des vins.
Réutilisées d'un millésime à l'autre, les lies fraiches présentent de multiples avantages, à chaque étape d'élaboration du moût au vin. Elles jouent un rôle fondamental pour les vins de Bourgogne.